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TESTAMENT (9 AVRIL 1875)

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Victor HUGO



TABLE des MATIÈRES

5 choix possibles

CECI EST MON TESTAMENT
PARTIE I.
PARTIE II.
PARTIE III.
PARTIE IV


TEXTE INTÉGRAL



Ceci est mon testament

Je dois laisser pour seuls héritiers 1° ma fille Adèle Hugo, actuellement dans une maison de santé à cause de son état mental, 2° mes deux petits enfants Georges et Jeanne, issus du mariage de mon fils Charles, aujourd'hui décédé.

TESTAMENT (9 AVRIL 1875) - Victor HUGO > PARTIE I.

I.

I. Comme ma fortune se compose presque en totalité, en dehors de mes œuvres littéraires, de valeurs mobilières étrangères et comme il importe, dans l'intérêt de mes enfants, d'assurer l'emploi régulier de ces valeurs avant qu'elles soient soumises à l'administration de la tutelle de mes petits enfants ou à l'administration des biens de ma fille, je dispose, à titre de mesure préalable, que la totalité de mes valeurs mobilières étrangères, à l'exception des rentes anglaises, sera convertie dans l'année de l'ouverture de ma succession en rentes françaises ou actions de la Banque de France conformément aux emplois admis en matière de biens de mineurs. A cet effet, je veux que mes exécuteurs testamentaires, à qui je confère la saisine de tous mes biens, procèdent pendant le temps de leur saisine aux opérations de vente et de rachat nécessaires pour réaliser les emplois que je prescris.

TESTAMENT (9 AVRIL 1875) - Victor HUGO > PARTIE II.

II.

II. Par ces présentes, je lègue à mes deux petits enfants Georges et Jeanne, issus du mariage de mon fils Charles, toute la quotité disponible des biens et valeurs qui composeront ma succession au jour de mon décès, conformément à l'article 915 du Code Civil

J'entends et je dispose que ce legs de la quotité disponible porte à la fois, et sur les valeurs acquises, immeubles, meubles et valeurs mobilières de toute nature et sur le produit de mes œuvres publiées ou non publiées, de telle façon que mes légataires prélèvent sur ce produit une part proportionnelle à l'importance de la quotité disponible que je leur attribue, sans préjudice de la part à laquelle ils auront droit du chef de leur réserve légale.

Néanmoins j'attribue spécialement à la quotité disponible : 1° la totalité des consolidés anglais qui se trouveront dans ma succession, et je désire que ces titres de rente anglaise soient expressément conservés à mes légataires pendant toute leur minorité ; 2° les deux immeubles de Guernesey, en ce compris le mobilier de la grande maison.

En conséquence, j'entends et dispose également que les biens de toute sorte qui composeront le legs de la quotité disponible, lesquels biens j'exclue expressément de la jouissance légale de la mère, ainsi qu'il est prévu en l'article 387 du Code Civil, soient et demeurent inaliénables jusqu'à la majorité de mes dits légataires à titre universel, tant en capital qu'en intérêts, et qu'ainsi les intérêts ou fruits à en provenir soient capitalisés au fur et mesure de leur échéance ou de leur acquisition, mais seulement jusqu'à l'époque de majorité sus-enoncée ; le tout sous la réserve des prélèvements à faire pour le service de la rente viagère que je constitue ci-après au profit de Madame Charles Hugo leur mère.

A cet effet, je désigne spécialement deux de mes exécuteurs testamentaires, Mr Rouillon Pierre Philibert, licencié en droit, demeurant à Paris rue de Provence n°17, et Mr Huard Adrien, avocat à la cour d'appel de Paris, demeurant rue Chauchat n°10, que je nomme administrateur des biens de la quotité disponible léguée, et à qui je confère tout pouvoirs d'administrer les dits biens et de faire emploi régulier, conformément aux prescription de la loi en matière de biens de mineurs, de tous capitaux, intérêts ou produits, de quelque source qu'ils proviennent à la quotité disponible au fur et à mesure de leur réalisation, de leur échéance et de leur acquisition afin d'en opérer la capitalisation ; et ce jusqu'au terme ci-dessus fixé de la majorité de mes petits enfants légataires. Je leur attribue de ce chef, un prélèvement de cinq pour cent sur les produits annuels des dits biens, à titre d'honoraires.

Enfin, je déclare et dispose que le présent legs est ainsi fait, au profit de mes petits enfants sus nommés, par préciput et hors part, et conjointement entre eux, de façon qu'il y ait accroissement dans les termes de l'article 1044 du Code Civil.

Comme charges et conditions du legs qui précède, je lègue et constitue au profit de Madame Charles Hugo, mère de mes petits enfants, une rente annuelle et viagère de dix mille francs, payable par quart. Je veux que la dite rente soit prélevée sur les revenus de la quotité disponible et qu'à partir de leur majorité mes légataires universels soient tenus, si leur mère le juge à propos de fournir bonne et valable caution. Je veux en outre que la dite rente ne commence à courir qu'à partir du jour où cessera pour Madame Charles Hugo, l'usufruit légale qui lui appartient sur les biens composant la réserve de ses enfants mineurs.

TESTAMENT (9 AVRIL 1875) - Victor HUGO > PARTIE III.

III.

III. En ce qui concerne mon œuvre littéraire, je déclare que cette œuvre doit se composer de deux parties distinctes : 1° les œuvres déjà publiées ou représentées au moment de l'ouverture de ma succession ; 2° Les œuvres non publiées ou qui se trouveront en manuscrit à la dite époque.

Pour ce qui est des œuvres publiées ; elles sont dès à présent ou seront engagées pour la plupart dans des traités à échéances diverses, et il ne me reste qu'à pourvoir aux soins de leur publication et de leur reproduction au fur et à mesure de l'extinction des dits traités.

Quant aux œuvres non publiées ou manuscrites, dont le nombre est assez considérable, il est certain que leur publication reste subordonnée entièrement à l'expression de ma volonté dernière, seule maîtresse d'ordonner la mise au jour de ces œuvres ou de déterminer le mode de publication et les périodes de temps suivant lesquelles elles devront paraître, comme elle serait maîtresse de les anéantir. Il y a donc lieu de pourvoir, selon ma détermination au sort de cette publication qui exige non seulement un très grand travail de recherches et de classification, mais encore une grande expérience littéraire et des notions conformes en tous point à la pensée littéraire de toute ma vie.

Or, la situation actuelle de ma famille ( par suite de la perte de mes deux fils biens aimés, mes représentants naturels à tous les points de vue ) devant faire que le sort de mes œuvres se trouverait, par l'événement de ma mort, dévolu à deux femmes, ma fille réservataire et Madame Charles Hugo comme tutrice, ou entre les mains de mes petits enfants encore biens jeunes à l'époque de leur majorité pour un travail et une responsabilité de cette nature, il en résulte pour moi un double devoir :

D'une part, dans l'intérêt de mes enfants, conserver à ma famille le droit de jouissance que la loi lui confère pendant cinquante ans sur le produit des publications de mes œuvres littéraires, et faire en sorte de leur assurer les meilleures sources de ces produits.

D'autre part, dans l'intérêt de l'œuvre même, assurer le mode d'exécution, la surveillance, la sollicitude et le travail des publications d'une manière conforme à ma dignité d'écrivain et à la pensée de l'œuvre.

A cet effet, je déclare que j'entends réaliser de mon vivant tous les moyens d'exécution nécessaires pour parvenir à ce double but. Pour cela, je me propose de passer avec telles personnes que j'aurai jugées particulièrement aptes et convenables, un traité de cession qui comportera le droit de publier la totalité de mes œuvres, et ce, de façon que la durée du dit traité atteigne une époque où mes petits enfants puissent avoir la maturité indispensable pour juger seuls de leurs intérêts et de l'intérêt de l'œuvre. Le dit traité concernera : 1° La publication des œuvres anciennes déjà publiées, 2° Et la publication de mes œuvres manuscrites et inédites dont j'entends par-là régler souverainement le sort et la divulgation post mortem.

En conséquence, je dispose et j'entends que ce traité ou tous autres qui auront été passé par moi soient scrupuleusement respectés et rigoureusement maintenus par mes ayants droit.

Je désire en outre et je dispose ; en tant que de droit, qu'il ne soit fait aucune vente, licitation ni adjudication, ( surtout en ce qui concerne les éditions posthumes de mes œuvres inédites ) de tout ou partie des droits au traité que j'aurai passé ; ni d'aucun droit de propriété littéraire revenant à mes héritiers ; et ce jusqu'à l'expiration du traité dont je fais ci-dessus mention, et à défaut de ce traité pendant vingt ans après ma mort, afin que les cinquante années de jouissance que la loi attribue, ne soient point aliénées au préjudice de ma descendance, et sacrifiées à la réalisation immédiate d'un capital présent.

Je fais observer à cet égard que, ayant pour seuls héritiers : 1° ma fille, dont les biens, par suite de son état, devront être soumis à l'administration d'une tutelle ou d'un administrateur provisoire ; 2° mes deux petits enfants dont les biens seront soumis également à l'administration d'une tutelle ; et comme d'ailleurs la fortune mobilière réalisée que je laisse à chacun d'eux est assez considérable pour suffire amplement à une large existence, il en résulte à mes yeux que le partage et la licitation, en ce qui concerne la valeur des droits de propriété sur mes œuvres littéraires, ne pourraient être que préjudiciable aux intérêts des incapables, et, à raison de la nature des choses, contraires aux lois d'une bonne administration. J'ajoute, que dans tous les cas le partage et la licitation seraient inutiles selon toute éventualité, parce que ma fille n'a d'autres héritiers que mes petits enfants ses neveux, à qui doit revenir la part de leur tante ; et enfin parce que, les produits des œuvres littérairesétant toujours partageable en nature, il ne peut y avoir de difficultés de compte ou d'administration dans leur perception, surtout à raison du traité qui doit assurer ces produits pendant un temps déterminé.

Comme sanction aux dispositions qui précèdent, je déclare et dispose formellement, en ce qui concerne la rente viagère à prendre sur la quotité disponible et qui est léguée à Madame Charles Hugo, que les legs de la dite rente ne peut être réclamée par elle qu'autant qu'elle se conformerait pleinement aux dispositions et volontés ci dessus exprimées par moi, et, notamment, relativement à l'administration des biens de la quotité disponible et à l'emploi des capitaux et revenus des dits biens confié aux exécuteurs testamentaires, comme aussi relativement aux dispositions prises à l'égard de mes œuvres littéraires et au respect du traité fait par moi pour en assurer la publication. En conséquence, le legs de la dite rente viagère serait caduc nul et non avenu, dans le cas où la bénéficiaire contreviendrait à mes volontés ou attaquerait tant en son nom personnel que comme tutrice les dispositions par moi prises.

De même, faute par l'un de mes enfants légataires de se conformer aux volontés ci dessus exprimées par moi, quant à mes œuvres littéraires, et de respecter l'exécution du traité, les produits des dites œuvres, pour ce qui entrerait dans la quotité disponible, seraient retranchés de la part du contrevenant et accroîtraient à son colégataire. Dans le cas ou l'inexécution proviendrait du fait volontaire de tous deux, les dits produits en totalité afférents à la quotité disponible, vertiraient au profit de la société des Gens de Lettres.

TESTAMENT (9 AVRIL 1875) - Victor HUGO > PARTIE IV

IV

IV Pour l'exécution des présentes, j'institue et nomme exécuteurs testamentaires :

1° Mr Crémieux, avocat, membre de l'Assemblée Nationale, à Paris Passy, rue de la Pompe n°81.

2° Mr Jules Favre, avocat, membre de l'Assemblée Nationale, à Paris rue d'Amsterdam n°91.

3° Mr Grevy, avocat, membre et ancien président de l'Assemblé Nationale, à Paris rue St-Arnaud n°8.

4° Mr Gambetta, avocat, membre de l'Assemblée Nationale, à Paris rue Montaigne n°12.

5° Mr Huard Adrien, avocat au barreau de Paris, rue Chauchat n°10 en la dite ville.

6° Et Mr Rouillon Pierre Philibert, licencié en droit, demeurant à Paris rue de Provence n°17.

J'entends qu'ils aient, et je leur donne et confère la saisine de tous mes biens conformément à l'article 1026 du Code Civil.

Je désigne spécialement deux d'entre eux, Messieurs Adrien Huard et Pierre Philibert Rouillon ci dessus nommés que j'institue administrateurs des biens de la quotité disponible, pour leurs fonctions durer jusqu'à l'époque de la majorité de mes légataires à titre universel, à l'effet d'opérer la conversion et l'emploi des capitaux et valeurs mobilières devant composer la part revenant à la quotité disponible, tant pour les valeurs existant au jour de mon décès que pour les intérêts et fruits et pour les produits de mes œuvres littéraires et dramatiques, conformément à ce qui est disposé par moi en l'article II ci dessus, relativement à l'inaliénabilité et à l'emploi des dites valeurs.

Je leur attribue et donne à chacun un diamant d'une valeur de trois mille francs.

Le présent testament ainsi fait sous la réserve d'ajout d'un codicille concernant quelques dispositions particulières.

Fait à Paris le neuf avril mil huit cent soixante quinze.

Dicté par moi et signé après lecture

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